Se voiler la face
Dans les prises de tête avec moi-même, domaine où je suis plutôt spécialiste, j’ai souvent réfléchi sur la notion de tolérance. Mon éducation multiculturelle m’a toujours permis, si ce n’est d’accepter, au moins de comprendre à peu près tous les comportements. La notion de race n’a pour moi aucun sens, de confession religieuse encore moins. Que l’on soit blanc, noir, rouge, vert ou bleu, gay, polygame, juif ou bouddhiste, sexiste ou profondément con, je m’en contrefiche, même avec les gens qui votent fn je suis prête à faire quelques efforts (pas trop non plus, hein !). Comme disait Renaud ‘moi j’me fous de tous ces mots j’veux être un vrai humain’.
Une seule catégorie par contre sur laquelle, malgré toute ma bonne volonté, je ne suis jamais parvenue à accorder la moindre circonstance atténuante : les barbus et les voilées. Rien à faire, je ne discute pas, je ne veux pas savoir, je déteste, j’exècre, tous mes pores respirent mon intolérance, l’allergie est physique.
Ce weekend, j’ai vu ma tante, à qui je tiens beaucoup, complètement enturbannée. Je pensais au départ qu’elle s’était couvert la tête parce qu’elle rentrait d’un pèlerinage à la Mecque, une espèce de coutume débile qui ne durerait que la période des va-et-vient de félicitation. Malheureusement ce nouveau déguisement semble bien lui coller à la peau. Mon dieu quel lavage de cerveau on a dû lui faire là bas.
Ma première pensée est pour mon grand-père. Je suis heureuse qu’il soit six pieds sous terre pour ne pas assister à tant de bassesse de la part de sa propre fille. Mon grand-père était un musulman comme il en existe peu. Un homme juste et droit qui a dirigé toute sa vie et a éduqué ses enfants selon les préceptes d’un bel Islam souvent oublié (il faisait des prêches dans les mosquées donc dans le genre pas de leçon à recevoir, il était plutôt bien placé). Juste à titre d’exemple, il a vendu tous ses biens à des prix symboliques à ses 9 enfants pour qu’ils ne se déchirent pas pour l’héritage –le testament n’existe pas, le partage se fait en part 2/3 pour les garçons, 1/3 pour les filles.
C’est le seul homme qui, petite, me racontait la religion dans ce qu’elle avait de plus juste, le seul qui de haut de mes cinq ans ne m’a jamais terrorisée avec l’excuse des flammes de l’enfer souvent utilisée comme le grand méchant loup : mange pas trop de gâteaux, réponds pas à tes parents, fais tes devoirs ou tu vas bruler en enfer… J’aimais ses histoires pour me faire comprendre la notion de bien et de mal et je pense qu’il a plutôt bien réussi son coup. Il faisait partie de cette première génération qui a soutenu l’abolition de la polygamie, il a tout fait pour que toutes ses filles sortent de la maison et fassent des études supérieures dans un petit village ou rares étaient celles qui dépassaient le niveau primaire. Il a accepté les maris que chacune d’elle a ramenés sans jamais émettre une quelconque objection.
Qu’est-ce qui lui a pris à ma tante ? J’ai pas de problème avec les gens qui après avoir traversé des épreuves insurmontables ne trouvent de réconfort que dans la foi. Bon dieu, psy ou drogues dures, chacun fait ce qu’il peut pour justifier notre passage sur terre tellement insignifiant. Mais de là à se voiler la face parce qu’on a la trouille d’affronter la réalité, je n’y arrive pas. Je hais tous ces médias extrémistes qui manipulent les âmes comme les dirigeants nazis à leurs heures de gloire. J’ai pitié pour toutes celles qui se voilent quand on sait ce que ça a couté aux femmes de se dévoiler.
Ma tante, je t’aime beaucoup mais il va me falloir un long moment avant de pouvoir te regarder de nouveau droit dans les yeux.